Maurice Magnoni – Franco d’Andrea « No Smoking »
Ça ne se vendra pas autant que le duo Wayne Shorter-Herbie Hancock, mais on n’y peut rien. Si, peut-être, tout de même: à force de commenter docilement les exploits des mastodontes du star system, on finit par enfermer dans une réserve naturelle les non-alignés de la création. S’il faut choquer pour semer le doute, choquons avec emphase: la rencontre Maurice Magnoni-Franco D’Andrea compte au nombre des grands tête-à-tête de l’histoire du jazz. De ceux où rien n’est concédé à l’étalage, pente glissante des « rencontres au sommet » dont il faut sortir vainqueur. Donc jouer, si peu que ce soit, « contre » l’autre. Ou à l!inverse, s’ingénier à trouver au péril de son identité un terrain d’entente, pour que tout de même la rencontre ressemble à quelque chose. Magnoni et D’Andrea ont atteint ce point, suprême sans doute, où la fidélité totale à sa voix intérieure fait fondre chez l’autre toute espèce de réserve. C’est le dévoilement consenti de son jardin secret: I’effusion (et non l’impersonnelle fusion) d’un saxophone et d’un piano, selon le principe des vases communicants. Les compositions, toutes personnelles, sont comrne aspirées par cette harrnonie supérieure: ainsi « Apples~, qui concilie l’angulosité monkienne et la fluidité evansienne.
Michel Barbey